Nicolas Raulin : “Le manager, c’est un défricheur de talents qui est aussi un couteau suisse”
Discussion avec Nicolas Raulin, créateur de NEXTONE Agency, sur son métier de manager, sa vision de l’industrie musicale et l’importance de la passion dans la musique.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Nicolas. Je suis dans la musique depuis 19 ans. J’ai commencé dans la presse. Avant, j’étais correspondant en Belgique pour une radio française qui s’appelait Rock One, puis j’ai travaillé pour Guitare Part, Longueur d’Ondes et Musique Mag ; ensuite, j’ai monté un magazine avec des amis qui s’appelait Rocking Dream où l’on a effectué pas mal de projets (plusieurs festivals, une soirée mensuelle au Mangibus…). Et de fil en aiguille, j’ai eu des proches qui me demandaient de les aider sur des sorties ou autres projets musicaux, et c’est un peu comme ça, par hasard, que je suis tombé dans le management. Au final j’ai adoré, donc j’ai continué par un master dans les métiers de la musique. C’est suite à cela que j’ai monté ma société de management, après un an chez Belle Vue Musique, en 2016.
Aujourd’hui, est-ce qu’on peut dire que tu te spécialises donc un peu sur le scène musicale indie pop un peu rock ?
Je suis plutôt spécialisé pop rock électro dans le sens assez large. Il y a toujours ce dénominateur commun qui est la pop quelque part, parce que j’ai grandi avec les Beatles, les Stones, donc toute la pop anglo-saxonne que j’adore. J’ai eu une adolescence plus placée sur le punk et le rock, toutes les musiques alternatives, où il y avait toujours ce dénominateur commun. Cependant, aujourd’hui, je m’occupe quand même aussi bien de l’urbain que de la chanson française, mais pas de la chanson traditionnelle française ou encore du gros rap hardcore. Il y aura toujours cette touche pop.
Qu’est-ce qui va te donner envie d’accompagner un artiste en particulier ?
Je travaille par passion. Quand je découvre un artiste c’est parce qu’il y a quelque chose qui va me toucher dans son univers. Par exemple, avec le dernier artiste qu’on a signé, Madsun, je me suis pris une vraie claque avec sa musique, il avait un clip incroyable ; j’avais une vision de ce que je voulais faire avec lui et où je voulais emmener le projet. La base pour moi, c’est d’avoir le coup de cœur pour l’artiste, et après, avoir la vision qui va me permettre d’accompagner le projet.
Et au contraire, qu’est-ce qui pourrait te faire refuser un projet ?
Ça va être le manque de ces deux éléments. Si je n’ai pas le coup de cœur évidemment ça ne va pas m’intéresser. Cependant, si je n’aime pas, mais que j’ai une vision dans laquelle je saurai comment travailler le projet, je peux trouver un arrangement pour travailler avec l’artiste. Ce ne sera pas de la même manière qu’avec un contrat en management, mais je peux l’accompagner plutôt sous forme de conseil, en prestation en tant que consultant. Ensuite, le fait de pas avoir cette vision. Qu’importe le fait que j’aime ou pas le projet, si je n’ai pas cette vision qui va me permettre de savoir comment le travailler, à priori, c’est ce qui va faire que je vais refuser.
Avec NEXTONE Agency, tu proposes donc d’autres options que seulement du management ?
Le management reste le cœur de l’activité, évidemment. Maintenant, depuis peut-être fin 2018 ou 2019, on a développé une activité de conseil en parallèle. L’idée c’était de s’occuper au mieux de toute la demande qu’on avait. On est contacté pour plein de projets artistiques tout le temps, par plein de moyens différents. Ça peut être par mail ou sur le site Groover, par des gens que je rencontre en concerts ou en festivals, par des professionnels qui vont m’envoyer des projets, ou encore des proches ! On a donc énormément de projets entrants, et évidemment on ne peut pas tous les signer en management parce qu’on n’aurait pas le temps pour bien les accompagner. Du coup, cette activité de conseil permet de proposer à ces artistes dont les projets sont à un stade prématuré de leur carrière, un accompagnement plus léger, qui soit vraiment à la carte avec une vraie valeur ajoutée. J’aime bien utiliser l’expression de “management à la carte”.
Comment s’organise ton temps en tant que manageur ?
Il n’y a vraiment pas de journée type. J’ai plein d’autres activités à côté, ce qui fait que chaque journée va être différente. Je fais partie de plusieurs associations comme Music Declares Emergency qui accompagne la filière musicale dans la transition écologique, ou encore La Nouvelle Onde qui est un dispositif d’accompagnement à destination des professionnels de l’industrie musicale dont je suis un ancien lauréat ; et je donne des cours dans une école aussi sur l’environnement professionnel dans la musique. Donc au fil des semaines, je vais avoir très rarement un jour figé, à part pour mes heures de cours qui sont fixées. Sinon mon activité va être variée entre les visions avec les artistes pour faire un point hebdomadaire, les différents rendez-vous, etc…
Quelles sont, selon toi, les caractéristiques importantes à avoir pour être manager ?
Ne pas compter ses heures ! Le mythe des 35h quand on est indépendant dans la musique n’existe pas [rires]. Être curieux aussi. J’observe souvent que lorsque les gens arrivent dans la musique ils sont très passionnés et curieux, mais plus ça va plus ils restent sur leurs acquis, et se ferment un peu. Je trouve ça très dommage. Pour moi, tu ne peux pas être professionnel de la musique si tu n’es pas hyper curieux de tout ce qui existe. Peu importe si tu n’aimes pas un genre musical, tu vas quand même écouter parce que ça fait partie de ton métier aussi. Dans le cas de manager aussi, être à l’écoute des jeunes artistes. Les qualités de base c’est d’avoir la niaque, être ambitieux et avoir du culot aussi, mais surtout d’avoir envie et d’être motivé. Si tu n’es pas motivé, il y aura quelqu’un de plus motivé en face qui prendra ta place.
Pour moi le manager c’est un défricheur de talents qui est aussi un couteau suisse. Il doit être capable de savoir tout faire. Évidemment, personne ne sait tout faire parfaitement, mais il faut être capable de faire semblant, ou du moins savoir à qui t’adresser pour que ce soit bien fait.
Qu’est-ce que tu préfères dans le fait d’être manager ?
Ce que je préfère c’est faire plein de choses différentes. Alors il n’y a pas vraiment de parties que je vais préférer, mais plus que je vais moins aimer. Je vais être moins fan de tout ce qui est administratif par exemple. Moi, ce que j’aime bien, c’est vraiment le contact avec les autres professionnels. En tant que manager, on est un peu l’interface entre l’artiste et le monde professionnel, ce qui nous permet d’être en contact avec énormément de gens. J’aime bien aussi le côté challenge du développement de carrières qui est un côté très difficile du métier. Tu te donnes à fond tous les jours et tu vois le projet grandir. C’est une vraie satisfaction quand tu te rends compte que les objectifs sont atteints !
Quels sont, selon toi, les inconvénients du métier ?
Je ne dirai pas que c’est un inconvénient, mais plutôt une chose à laquelle il faut faire attention, ce serait de vraiment définir un cadre de travail. On a la chance de travailler avec des artistes qui sont des gens très créatifs par nature, mais c’est aussi une malchance car ce ne sont pas des gens organisés [rires]. Ce n’est pas rare de recevoir un coup de fil, un dimanche soir à 23h40 sur des choses qu’untel a oublié. Avant, je travaillais dès mon réveil jusqu’à ce que j’aille me coucher, et je n’avais quasiment plus de vie personnelle. Aujourd’hui, j’essaie vraiment plus de m’imposer un cadre même si ce n’est pas facile.
Les artistes de NEXTONE Agency la décrivent comme “une maison d’artistes”. Quel aspect de la structure pourrait inspirer cette appellation, selon toi ?
Ils le diraient sûrement mieux que moi, mais je pense qu’on est une maison d’artistes parce qu’on s’occupe d’énormément de choses et qu’on a une relation très proche avec les artistes. C’est-à-dire qu’on va vraiment avoir une relation privilégiée entre artiste et manager, qui est une relation unique dans l’industrie de la musique. On va proposer un vrai accompagnement qui va englober tout la carrière de l’artiste, contrairement à un label par exemple, qui va s’occuper uniquement d’enregistrer son disque. On travaille dans ce sens-là : on veut que les artistes se sentent chez eux. Donc je pense que ça doit être pour ça !
Dans le développement de carrières d’artistes, vous vous concentrez sur la construction d’une identité forte avec une grande importance sur le live. Pourquoi ces deux valeurs-là en particulier ?
Je viens du pop rock de base. Donc pour moi, un artiste va se révéler sur scène. J’ai toujours pensé que c’est vraiment sur scène que l’on va voir l’essence d’un artiste. Les disques, peuvent être différents, bon ou mauvais, représenter une partie de la carrière de l’artiste ; mais sur scène, on va le voir lui, on va voir l’essence de ce qu’il fait. C’est sur scène que l’artiste doit convaincre ses fans.
Pour l’identité forte, c’est autant sur le plan musical que visuel. À l’heure actuelle, le visuel est aussi important que la musique. Un album aura beau être bon, si le visuel est raté personne n’aura envie de l’écouter. Aujourd’hui, c’est d’abord l’image que l’on voit, et seulement après on va aller écouter le projet. Il y a quelques exceptions avec la radio ou encore les playlists en streaming où l’on va entendre le morceau avant de le voir, mais tout le reste avec les réseaux sociaux, et même les plateformes de streaming, vont demander un visuel attirant pour donner au public l’envie de l’écouter. Les visuels peuvent fédérer un public peu importe la qualité de la musique, alors pour moi, aujourd’hui les deux sont sur un pied d’égalité. Un artiste ne pourra pas marcher s’il n’a pas une image très solide avec un propos artistique puissant.
Quels sont tes futurs projets ?
Avec l’agence on va bientôt sortir, courant d’année, l’EP de Pharms, l’album de Telegraph est en cours de composition, et puis on a sorti l’EP de Madsun récemment aussi ! Nous serons aussi présents aux Printemps de Bourges le 20 avril.
Et puis il y a plein de nouveautés qui vont arriver après les vacances d’été, que vous pourrez suivre sur nos réseaux sociaux.
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Propos recueillis par Julie Hallot
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